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19. L'Arrivée de Deana

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          Les sabots d’Egade s’arrêtèrent enfin. Un petit vent d’est souleva les pans de sa cape noire et les quelques mèches de cheveux encore libres qui encadraient le visage fatigué de Deana. Devant elle s’élevait les murailles, les tours, le pont-levis ainsi que les immenses portes qu'elle devinait aisément, et derrière lesquelles se trouvait sa destination. Un sentiment de fierté envahit instantanément la messagère aux cheveux blonds, dorés par le soleil d’un milieu d’après-midi. Le message pourrait enfin être délivré à la Reyne.

         Deana soupirait de soulagement. Les portes massives en bois et aux gonds de métal, étaient très imposantes et inspiraient la grandeur. Deana flatta l’encolure de sa jument, et se pencha de toute sa longueur pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. La jument piaffa comme si les mots qui avaient été prononcés étaient la consécration de ce voyage.

Elle jeta un œil à Pachoù, et au regard intense qu'il lui rendit, elle comprit que ce dernier était prêt à la suivre n’importe où.

Deana inspira profondément, puis talonna sa monture pour la lancer au galop. La jument atteignit sa vitesse de pointe en un temps record, Pachoù sur ses talons. Le pont-levis s’abattit juste à temps pour que la jument ne termine pas sa course dans le vide, et les portes s’ouvrirent à leur tour. Aucun soldat n’avait reçu ordre d’abaisser le pont ou d’ouvrir les portes, mais les Célestes avaient doté les entrées du château d’une forme de magie identique à celle présente chez les Voyageurs élus par leur souverain.

Deana s'engagea sur la grande passerelle qui menait directement jusqu’au château en ignorant le village autour d’elle, et dont la vie était rythmée par celle du château. Elle sentit l’air marin chatouiller son visage et réchauffer son cœur. Elle pénétra ensuite à toute allure dans la haute courtous sabots claquant, avant de s’arrêter au pied d’un escalier de pierres blanchâtres devant une immense et gracieuse construction en arc de cercle aux immenses et multiples fenêtres, qui ressemblait presque à une forêt verticale. Les quelques gardes postés devant les escaliers s’approchèrent. Elle descendit immédiatement de sa monture et tendit les rênes à l’un d’entre d’eux en le remerciant. Il emmena la jument suivie de Pachoù, en direction des écuries. Elle s’adressa à celui qui lui faisait face directement.

— Deana Edeld’Ark, je dois voir la Reyne, annonça-t-elle.

— Sa Majesté n’est disposée à recevoir personne ce jour, répondit l’homme en uniforme bleu marine, aux boutons de manchettes dorés et aux cheveux grisonnants ramenés en arrière.

— Cela ne peut pas attendre, insista-t-elle, irritée par le zèle de cet homme qu’elle ne connaissait pas.

          Avant que l’homme ne puisse rétorquer quoi que ce soit, un second homme apparut un peu plus en retrait.

— Deana ?! s’étonna-t-il. Je ne t’attendais pas si tôt !

— Alaric ! Comme je suis heureuse de te revoir ! dit-elle avec une joie non feinte.

          Alaric était un homme bon et grand. Sa peau était brune faisait ressortir l'ambre de ses yeux et ses cheveux noirs et épais étaient tressés et plaqués sur sa tête. S’il était plus vieux que le sorcier, cela ne se voyait absolument pas. Deana appréciait énormément Alaric car il était humble et sage, tout comme l’était Shenann. Les deux hommes avaient un caractère très similaire en fin de compte.

          Il était vêtu d’une chemise blanche, et d’un par-dessus bleu nuit aux bordures dorées et aux multiples broderies. Son pantalon blanc était parfait pour monter à cheval, et ses bottes noires le rendaient encore plus grand et plus imposant qu’il ne l’était déjà. Il était au service de la Couronne depuis déjà une éternité, et il ne semblait jamais vieillir.

          Il prit la main de Deana dans la sienne, et y déposa un baiser.

— Alaric, je dois voir la Reyne, répéta-t-elle.

— Suis-moi, répondit-il avec un signe de tête.

          Il l’invita à le suivre dans la seconde. Ils gravirent les escaliers d’un pas vif et assuré. Ils passèrent les portes sculptées qui menaient dans l’entrée du château. L’intérieur du château était un fabuleux mélange de nature et d’architecture. Ainsi, avant d’arriver, ils traversèrent plusieurs patios ou jardins d’hiver couverts par des dômes de verres, quelques petits ruisseaux traversant des espaces aux arbres gigantesques autour desquels les constructions avaient été savamment érigées et dans lesquels, parfois même, des escaliers avaient été sculptés pour rejoindre les niveaux supérieurs. Enfin, la salle du trône, gardée par un homme et une femme, deux soldats de l’Infanterie.

          Sans dire mot, ils ouvrirent les deux portes, laissant entrer les invités.

 

          Devant l’une des fenêtres de la grande salle, la Reyne était absorbée par les jardins au-dehors. Elle aurait tant aimé se promener sur l’immense balcon qui longeait les fenêtres mais Alaric le lui déconseillait vivement car elle pourrait faire une cible parfaite. Elle venait tout juste de terminer l’un des conseils hebdomadaires concernant les affaires du royaume, et tous les conseillers venaient de quitter les fauteuils de la salle de conseil. Elle avait pris soin de retirer sa couronne en or finement taillée et ornée de pierres et de perles. Elle appréciait de sentir la chaleur des rayons de soleil sur son visage brisé, et cela lui apportait souvent beaucoup de réconfort dans les moments où elle sentait tout le poids de la couronne peser sur ses épaules. Elle rêvait à cela lorsqu’elle entendit les portes s’ouvrir en faisant grincer les gonds en métal dans un bruit peu confortable, et fort. Le bruit des portes l’avait brusquement fait revenir à la réalité, et elle tourna la tête en sursautant.

          En pénétrant dans la salle du trône, Deana eut un sentiment de nostalgie et de chaleur. Elle avait passé tant d’années à fouler les sols de ce château, qu’elle aurait pu s’y retrouver les yeux fermés. C’était ici qu’elle avait rencontré, quelques années auparavant, celui qui était aujourd’hui son époux. Servir la couronne était un honneur et cela avait toujours été ainsi. La Reyne se trouvait là, l’air songeur, et paisible. Si elle était contrariée, elle ne le montrait jamais. Elle semblait toujours calme et sereine, comme si les problèmes n’en étaient jamais de vrais. C’était une femme magnifique à qui la royauté seyait à merveille. Elle était faite pour être Reyne. De cela, Deana en avait la profonde conviction.

          Ses grands yeux pétillaient de malice et ses mouvements transpiraient la grâce par tous ses gestes. Même les cicatrices blanches sur une partie de son visage ne parvenaient pas à l’enlaidir, même la différence de couleur de ses deux yeux ne la rendait pas moins belle. En effet, ses yeux comportaient à la fois des teintes de bleu et à la fois des teintes de marron et de doré. Ni grande ni petite, elle avait une silhouette élancée et la posture des souverains, droits et ouverts d’épaules. Sa robe vert menthe sobre aux manches longues et au décolleté décent faisait ressortir le feu de sa chevelure superbement relevé sur sa tête, parée de perles de nacre et de coquillages.

 Cette souveraine était parmi les plus respectés de toute la lignée, car elle était juste et sage. Elle aimait son peuple, et son peuple l’aimait en retour.