8. Triste départ (Part. 2)
liste des chapitresLucyana se figea instantanément avant de s’effondrer, un cri coincé dans la gorge. Les flammes se reflétaient dans ses yeux, dont les larmes commençaient à couler et elle pouvait sentir la chaleur de là où elle se trouvait. Elle venait de perdre la dernière personne qui lui restait dans ce monde comme dans l’autre, la seule qui partageait encore sa vie brisée par les tempêtes et les désastres. Elle venait de tout perdre. Prostrée sur le sol, elle restait paralysée, l’air n’emplissait plus ses poumons brûlés par l’air trop froid. Elle ne pensait plus aux bleus, aux entailles dans sa chair si jeune, ni à tous ses membres qui la faisaient souffrir. Seulement au gouffre qui se creusait déjà dans ses entrailles, et au vide.
Hayden avait parfaitement saisi la situation, mais quelle était la réaction appropriée ? Chacun réagissait à sa manière, et cela pouvait être très différent d’une personne à l’autre. Il en savait quelque chose, car lui-même avait déjà perdu des proches et savait à quel point la période qui suivrait serait dévastatrice. Il se contenta simplement de rester à terre à ses côtés et de poser une main compatissante mais ferme sur son épaule.
— Viens… il faut y aller. Tu dois te mettre à l’abri…
Il avait essayé de prononcer ces paroles avec toute l’empathie dont il était capable.
Elle serra son poing dans la neige. La rage ou la haine, elle ne savait pas trop laquelle des deux, envahissait son cœur. Pas contre sa sœur, pas contre ces gens qu’elle connaissait à peine. Après tout, comment pouvait-elle leur en vouloir de quelque manière que ce soit ? Ils les avaient chaleureusement accueillies, nourries, et leur avaient offert un lit contre le froid meurtrier. La pluie de flèches venait de cesser, mais désormais, elle était seule.

***
— Tu débloques… ?! lui dit-elle, ahurie.
Décontenancée, elle secoua la tête, refusant catégoriquement la solution insensée qu’il venait de lui offrir.
— T’as une meilleure option ? Parce que je suis preneur ! Ou tu préfères peut-être brûler vive, railla-t-i.
Il la scrutait, comme pour y déceler une trace de peur.
Il grimpa sur le rebord de la fenêtre, tandis qu’elle s’approchait, se penchait au-dessus du vide, puis elle fit un pas en arrière et l’observa.
Il tendit la main.
— S’il y a un moment où tu dois me faire confiance, c’est maintenant !
Sa voix était ferme mais rassurante. Il la fixait sérieusement.
La jeune femme fit volte-face et jeta un œil au parquet qui s’écroula de nouveau, engloutissant le cadavre et l’obligeant à reculer plus près de la fenêtre. Elle toussa. Elle fondit sur la table, saisit le pendentif si cher à ses yeux et accepta la main offerte par Caleib. Avec une poigne de fer, il l’aida à se hisser, puis sans hésiter, ils se jetèrent dans le vide. Ils tombèrent dans une épaisse couche de neige, assez pour amortir le choc, mais trop peu pour éviter les ecchymoses. Ils roulèrent sur le côté et terminèrent leur course un peu plus loin. Allongée sur le dos, épuisée, Matheyna prit quelques minutes pour respirer l’air frais de la nuit, bien qu’elle fût toujours proche d’un bûcher, puis elle finit par se lever, non sans mal. Caleib s’apprêtait déjà à repartir, mais il s’arrêta net pour se diriger vers elle d’un pas pressé.
— JE PEUX SAVOIR CE QU’IL T’A PRIS DE TE JETER TÊTE PREMIÈRE DANS CETTE MAISON ? hurla-t-il.
Son visage si près du sien débordait de haine.
— Si j’étais pas arrivé à temps hein ? Tu te serais fait tuer, ou brûler, t’es si pressée de mourir ? poursuivit-il à peine plus calme.