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18. Second Départ

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     Après la soirée cauchemardesque de la veille, le soleil était au rendez-vous et les oiseaux chantaient l’arrivée du matin. Le feu s’était éteint durant la nuit, et il ne restait que des cendres dans le foyer qu’elle avait dressé la veille. La rosée du matin avait rendu la terre humide et fraîche, et les quelques fleurs qui survivaient au froid étaient parsemées de gouttes de cette rosée. Pachoù lui chatouilla le visage de son museau pour la réveiller. Elle marmonna quelque chose dans son sommeil, puis son esprit perdu dans la brume chercha à retracer les événements la veille. Lorsque tout fut enfin remis dans le bon ordre, elle se redressa en sursaut et observa la bague à son doigt. L’or était redevenu si net et si brillant, que si elle ne l’avait pas vu de ses propres yeux, elle n’aurait jamais cru que celui-ci était devenu noir comme du charbon.

Elle soupira de soulagement, puis elle éclata de rire. Elle passa une main dans ses cheveux à la tresse défaite, puis soupira une nouvelle fois. Elle avala un petit déjeuner sommaire avant de se lever, Pachoù dans ses jambes, presque aussi heureux qu’elle l’était. Avec une grande détermination, elle se dirigea vers sa jument, flatta son encolure en l’inondant de mots doux, et détacha le filet encore accroché au tronc, puis elle s’adressa à son compagnon.

— Pachoù, j’espère que tu es en forme mon grand, parce qu’aujourd’hui il va falloir couvrir une bien plus grande distance.

            L’animal aboya avec enthousiasme, comme pour lui répondre. Il effectua quelques bons, et s’assit à ses pieds. Elle rit de nouveau, et s’accroupit devant lui. Elle colla son front contre le sien, qui attendait patiemment, et lui caressa l’arrière des oreilles. Elle savait qu’il adorait ces gestes, et elle s’amusait toujours de constater que si peu suffisait à le rendre aussi heureux.

            Deana se releva en faisant voler quelques feuilles mortes au passage, mit un pied à l’étrier, puis monta en selle. Le cuir de l’équipement grinça sous ses mouvements tandis qu’elle s’installait confortablement. Les courbatures de la veille se réveillèrent, mais elle les ignora.

            Elle inspira profondément, puis expira tout l’air accumulé dans ses poumons comme si elle se préparait au combat. Si tout se passait bien comme prévu, elle endosserait son rôle de messagère aujourd’hui même. Un message de la plus haute importance qu’elle devait délivrer à la Reyne en personne. Il ne lui restait plus qu’à prier pour ne pas croiser un nouvel adversaire sur son chemin, car cela la ralentirait considérablement et chaque seconde était précieuse. De plus, elle n’était pas en position de force, seule, même avec un loup comme compagnon de route.

            Après avoir vérifié que tout était à sa place, elle talonna sa monture pour la mettre au pas, devancée par Pachoù. Celui-ci adorait les promenades, et les longues distances ne l’effrayaient aucunement. Il ouvrit la marche en éclaireur, fier de servir d’escorte, et alerte aux moindres mouvements ou bruissements de la forêt. Avec presque un sourire aux lèvres, il trottinait quelques mètres au-devant de la cavalière, laissant le temps à Egade de chauffer un peu ses articulations. Il était indispensable à ces chevaux messagers de commencer en douceur, car s’ils étaient capables de réaliser des prouesses d’endurance et de vitesse, il était aussi nécessaire de les ménager pour qu’ils puissent assurer le voyage dans les meilleures conditions. Ainsi seulement, ils pourraient atteindre leur plein potentiel et accomplir des miracles.

            La jument démarra par de petites foulées, puis augmenta progressivement l’allure jusqu’à atteindre un grand galop, une vitesse fulgurante.

            Deana était fière de sa monture, et savourait la sensation que procurait une telle allure, les cheveux au vent. Elle avait l’impression de voler au milieu des arbres, et parfois elle peinait à voir le paysage autour d’elle, mais Egade savait parfaitement où elle allait. Elle était, comme tous les chevaux voyageurs, conditionnée à retrouver le chemin du château, et ce, dans n’importe quelle circonstance. Bientôt, le petit groupe de trois, se trouverait face à la Reyne Vigile, fille de Reynald le Sage, seule et unique souverain de droit de tout le royaume d’Uhriel, et cette seule perspective suffit à décupler par dix la volonté de Deana d’atteindre son but, et de faire renaître son titre de Voyageur d’Uhriel.

 

***

 

         Le soleil se levait à peine lorsque quelqu’un frappa à la porte de la chambre des filles. Les coups recommencèrent. Encore à moitié endormie, Lucyana entendit quelque chose tambouriner dans sa tête. Elle ignora le bruit qui recommença de plus belle, sauf que cette fois-ci, les coups se firent plus forts et plus insistants. Elle entrouvrit légèrement les yeux dès lors qu’elle comprit que cela ne faisait pas partie de ses songes, mais de la réalité dans laquelle elle se trouvait.

Elle réussit tant bien que mal à distinguer que les coups provenaient de la porte de la chambre et devina qu’il faudrait bien, un jour, se décider à se lever. Elle était si bien, au chaud sous sa couverture dans ce lit confortable, qu’elle aurait souhaité y rester jusqu’à la fin de ses jours. Lorsque l’on frappa pour la énième fois, elle repoussa sa couverture avec un mécontentement non feint, et se leva péniblement afin d’accueillir leur invité.

         Elle ouvrit finalement la porte qui grinça, et aperçut sur le seuil, Hayden qui tenait en souriant de toutes ses belles dents blanches, un paquet dans ses mains. Il le lui tendit soigneusement.

— Apparemment, c’est pour vous ! lui dit-il, le visage radieux.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle encore bien mal réveillée.

— Aucune idée, mais Shenann a dit que c’était sans danger, et que vous devriez y jeter un œil.

— Euh, merci, on va s’y mettre, assura-t-elle en prenant le paquet qui pesait bien son poids.

         Elle ne s’attendait pas à ce que le colis soit aussi lourd, et cela la fit légèrement pencher en avant.

— Ne tardez pas trop si vous ne voulez pas partir le ventre vide, on va devoir y aller. Viviane a préparé un petit-déjeuner, annonça-t-il fièrement.

         Avant qu’elle n’ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, il lui adressa un clin d’œil plein d’assurance, puis reparti aussi vite.

— C’est quoi son problème ? marmonna-t-elle pour elle-même.