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12. A Chaque Chose son Temps

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     Il ne restait pratiquement rien de la charrette mais leur équipement était encore intact. Des morceaux de bois étaient éparpillés un peu partout sur le chemin.

Il était hors de question pour Dryl de laisser leur équipement sur place. Aussi avait-il décidé de faire demi-tour pour retrouver leur véhicule.

Tous étaient encore abasourdis de l’attaque qu’ils venaient de subir.

Les débris craquaient sous leurs pieds à mesure qu’ils se rapprochaient de l’endroit où la charrette s’était arrêtée.

     Caleib s’était d’abord empressé de rejoindre Légion et de vérifier que tout allait bien. C’était un animal exceptionnel mais il n’était pas non plus invulnérable. Heureusement, Légion s’était déjà redressé et grignotait tranquillement l’écorce d’un arbre. Le jeune homme s’approcha et ausculta tous les membres de sa monture. Rien de cassé et plus de peur que de mal. Il posa sa tête contre le poitrail de l’animal pour sentir son souffle apaisant et la chaleur réconfortante qui s’en dégageait. Il soupira de soulagement. Son compagnon allait parfaitement bien.

Tout autour d’eux était redevenu silencieux, comme si la forêt dormait d’un sommeil de plomb. Seuls quelques oiseaux déchiraient ce silence malaisant.

     Hayden était désemparé. Il avait passé des mois à construire cette charrette et à améliorer tous ses mécanismes. Quelque chose se brisa sous son pied, émettant un léger craquement aigu. Il s’arrêta sur-le-champ, souleva le pied et reconnut un petit tube en verre qui avait contenu un peu d’essence magique de son père. Celle-ci s’évapora aussitôt dans une légère brume blanche étincelante. Il avait oublié qu’il l’avait emporté avec lui. Son désespoir n’en fut que plus profond, et quelque chose en lui se brisa.

     Lucyana s’approcha de lui.

— C’est quoi un Perverti ?

— Une personne touchée par la Magie Perverse. Il y a deux issues pour les personnes touchées. Soit, elles refusent de céder et elles tombent atrocement malades, on les appelle les Chanceleurs, soit elles succombent au pouvoir, et basculent dans la noirceur de cette magie. Ce sont les Pervertis. Aujourd’hui nous avons été pris par surprise et tu en as fait les frais. Ça ne doit pas se reproduire.

     Elle assimila progressivement l’information.

— Désolée pour ta charrette, c’était du joli travail.

     Lucyana avait remarqué la tristesse et le dégoût sur le visage du jeune homme, et elle comprenait ce que l’on pouvait ressentir lorsque ce à quoi on avait consacré autant de temps partait en fumée en un claquement de doigts.

     Il se sentit à peine plus léger. Il ne put se l’expliquer, mais le fait que la jeune femme ait compati lui mit un baume au cœur. Elle passa une main sur sa blessure, comme pour confirmer qu’il n’y avait plus rien à craindre. L’entaille titillait sa peau et elle sentait la douleur pulser. Par moments, elle avait l’impression de ne plus ressentir que ça.

— Comment tu te sens ? demanda-t-il.

— Ça va, mentit-elle.

     Dans l’action elle avait été plus préoccupée par la possibilité de disparaitre que par la lame posée sur sa gorge, mais à présent que l’adrénaline venait de s’effondrer, son esprit prenait le relais, et elle repensait à ce qu’elle avait subi. Cela aurait pu très mal tourner.

— Lucyana, ce genre d’expérience laisse des traces, et je ne parle uniquement pas de ça, dit-il en désignant sa gorge.

— Tu as raison, souffla-t-elle, mais je m’en remettrai, je t’assure, affirma-t-elle en continuant de toucher sa plaie.

— Tu devrais mettre l’onguent de Shenann sur les deux plaies et arrêter de toucher, commença-t-il en arrêtant le geste de la jeune femme.

— Oui, plus tard, contra-t-elle. Ce n’est pas vraiment le moment pour ça.

— D’accord, mais n’oublie pas, ça peut très vite s’infecter, sermonna-t-il, un air sérieux sur le visage.

     Elle détestait l’effet qu’il avait sur elle, car elle se sentait presque chaperonnée. Il relâcha son emprise comme elle interrompit leur contact visuel, et s’éloigna pour mesurer les dégâts. Il avait raison. De plus, sa plaie au bras était douloureuse.

     De son côté, Shenann tentait de se reconnecter avec lui-même et entra en contact avec sa magie profonde. Il sonda la forêt mais tout demeurait calme. Le danger était écarté, mais une question le tourmentait toujours : pourquoi n’avait-il pas senti l’attaque arriver ?

     Caleib le sortit de ses pensées.

— Shenann, tu as vu ce que j’ai vu tout à l’heure n’est-ce pas ? demanda-t-il à voix basse.